Extraordinaire et plénipotentiaire…
Le gouvernement mauricien veut revoir sa politique étrangère et se doter d’une diplomatie qui fait place à l’intelligence économique. Le monde diplomatique toutefois ne produit pas toujours les meilleurs ambassadeurs. Les véritables représentants de la République de Maurice à l’étranger sont ceux dont le pouvoir y est reconnu et leur caractère extraordinaire célébré. Et, ceux qui font honneur à leur pays sont souvent ceux qui n’attendent guère de lui quelque reconnaissance…
J’arrivais au terminal 2 à Roissy sur le coup de midi. L’hiver 2007 n’avait pas encore cédé au printemps et un petit froid piquait encore. Dans ce hall immense, des panneaux géants pour présenter des lauréats récompensés pour la recherche scientifique. Et tout à coup une vive émotion, le retour de la chaleur et le rappel de cette fameuse photo de Steve McCurry, l'afghane aux yeux verts…
Ce n’était pas la vision de la fille du camp de réfugiés de Nasir Bagh qui m’avait tout à coup réchauffé. Celle qui avait le regard tout aussi intense, c’était ma compatriote Ameenah Gurib-Fakim. Et, même si elle n’aurait pas eu à en rougir, L’Oréal ne l’avait pas mise là pour ses beaux yeux. En réalité, c’était pour reconnaitre sa contribution remarquable au domaine de la phytothérapie et cette somme prodigieuse de connaissances sur les plantes médicinales de Maurice et du continent africain dont elle enrichissait la science.
Loin de moi l’idée de diminuer ceux qui s’inspirent de la figure tutélaire de Raymond Chasle. Encore moins de donner dans le clivage des diplomates de carrière et ceux qui proviennent du sérail politique. Craig et Laridon ont été aussi efficaces que Jesseramsing et Makhan et cela démontre bien que ce n’est pas le fait de téter aux mamelles de l’administration qui affecte le pedigree de nos ambassadeurs. Encore moins ne voudrais-je les confondre avec quelque médaillé olympique qui le temps d’une épreuve physique fait vibrer les orgueils patriotiques et bander les verges nationalistes qui débordent en sanglants pugilats…
Non, nul besoin d’abaisser certains pour qu’on mesure la grandeur des autres. Celui que je voudrais citer en exemple ne songerait même pas à faire de l’ombre à quiconque ici. Mon exemple est un Mauricien de la diaspora ; ils’appelle Antoine Heerah. De l’Auvergne où il a grandi, il a pris cette générosité que chantait Brassens et le goût de cette cuisine simple et honnête, "droite en goût" comme le disait Curnonsky, le prince des gastronomes. link
Dans ce pays où on ne songerait même pas à se défendre d’être chauvin, la cuisine est un attribut culturel brandi avec fierté et force cocoricos. Patrimoine mondial de l’Humanité, disent-ils aujourd’hui avec l’aval de l’UNESCO qui a avalé le bobard ! C’est dans ce pays qu’exerce Antoine Heerah et qu’il est respecté par ses pairs et obtient même les éloges de la presse française. Le dernier en date, Le Nouvel Obs avec l’article de Philippe Couderc.
Antoine Heerah, ça ne vous dit toujours rien ? Mais oui, bien sûr : c’est lui qui signait le menu d’Air Mauritius dans le temps. C’est comme Ameena Gurib-Fakim ; elle n’est plus à l’université de Maurice !